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Jean-Marc Jancovici, Philippe Bihouix - La société rêvée d'Elon Musk : quel avenir ? - Thinkerview

Invités dans cet épisode :

Livres recommandés dans cet épisode :

Money : Whence It Came, Where It Went : Tout à l'heure, on parlait d'argent. Il y a un truc vraiment génial à lire, qui n'a pas pris une ride, John Kenneth Galbraith, L'argent, en anglais Money, en français, L'argent. C'est un truc incroyable qui raconte le système monétaire, l'histoire du système monétaire, en particulier aux États-Unis, qui raconte qu'ils troquaient des coquillages avec les Indiens, que la banque centrale, c'était des peaux de castors en fait, parce qu'à la fin des coquillages étaient transformables en peaux de castors, qui ensuite étaient monétisables pour l'export. On montrait aussi que c'était en fait le pouvoir de la banque privée, tu parles tout à l'heure de fédéralisme, et qu'en fait la banque centrale fédérale américaine, elle est arrivée un peu sur le tard, et que c'était plein de banques qui passaient leur temps à faire faillite, etc. C'est passionnant, ça date des années 60, mais John Kenneth Galbraith, pour le coup, il aurait fallu qu'il y ait un dessinateur de bande dessinée, parce que c'est un vulgarisateur et un pédagogue incroyable, et il est vraiment génial.

La rançon du machinisme : On la cite dans la BD parce qu'on a pas mal de personnes invitées, etc. qu'on fait parler. Elle écrit dans les années 30, c'est Gina Lombroso. C'était une médecin et essayiste italienne. Elle a écrit notamment un bouquin qui en français a été traduit par La rançon du machinisme et qui parle en fait de ce que l'industrialisation et le travail à la chaîne, la transformation industrielle un peu dans les années 20, dans les années 30, provoquait finalement d'un point de vue anthropologique. Et c'est passionnant. Un petit exemple, elle disait avant dans les villages, on avait plein... chacun était artisan et fabriquait des trucs, c'était entre guillemets à la main, alors ça n'allait pas très vite et on avait moins d'objets, bien sûr. Mais finalement chacun mettait un peu une âme dans l'objet, etc. d'artisanat. Puis une fois que tu passes un truc à la chaîne, bah en fait ça n'existe plus et elle parle un peu de toutes ces petites arènes, elle utilise ce mot là, qu'avant il y avait plein de petites arènes dans toutes les villes et les villages. Et puis qu'à un moment c'est devenu une grande arène, le monde. Ca date des années 30 avant les réseaux sociaux. Et t'imagines maintenant, évidemment tu appliques ça à la question numérique où tout le monde essaye de briller sur Insta et d'apparaître et de faire plus de la vie que les autres. Et là encore, avec le recul, ce qui est écrit dès les années 30, c'est un peu stressant parce que ça a été déjà écrit puis ça nous a pas empêché la trajectoire qu'on a eue mais c'est vraiment hyper intéressant.

Être un chêne : sous l'écorce de Quercus : D'un biologiste de l'ONF qui s'appelle Laurent Tillon et qui a écrit deux livres qui sont successivement « Être un chêne » et « Les fantômes de la nuit ». Alors Être un chêne parle d'un chêne, le personnage central est un chêne, qui a l'âge vénérable, sauf erreur de ma part, de 260 ans, je suis toujours encore jeune pour un chêne. Et alors à travers l'histoire de ce chêne, l'auteur nous fait découvrir ce que c'est qu'un écosystème forestier, il explique comment le chêne est défendu par les prédateurs des chenilles qui lui boulote ses feuilles, comment est-ce que quand la feuille commence à être boulotée, elle émet tout un tas de molécules qui font que le reste de la feuille devient un peu plus indigeste pour les chenilles qui la boulotent, comment est-ce que le chêne communique, le chêne parent communique avec les chênes enfants, via le micellium des champignons, enfin les aliments, etc. Enfin c'est passionnant, c'est génial, super poétique.

Féminicène : Féminicène d'une autrice qui s'appelle Vera Nikolski, alors qui est une féministe qui irrite les féministes, c'est assez rigolo, mais ça moi j'adore, parce que j'aime beaucoup les gens qui prennent des contre-pieds. Dans lequel, en gros, son grand thème, c'est l'émancipation des femmes n'a pas résulté principalement de revendications, elle a résulté principalement de conditions matérielles qui ont permis la réalisation de cette émancipation. Et elle, au premier chef d'entre elles, elle cite l'anthropocène, c'est-à-dire l'accès à des ressources en masse et à de l'énergie en masse, parce que ça a permis de diminuer la mortalité infantile, or, moins de grossesse et moins d'allaitement, c'est fatalement un facteur de différence entre les hommes et les femmes qui s'estompe. La tertiarisation de l'emploi qui a été permise par l'anthropocène est un facteur également d'émancipation, parce que la force physique ne compte plus pour occuper un travail. Les tâches domestiques ont été considérablement réduites, même quand elles sont encore exercées par les femmes à cause de la mécanisation du lavage du linge, de la préparation de la nourriture, etc. Et donc, en fait, elle cite tous les exemples dans lequel cette émancipation a été rendue possible par les acquis de l'anthropocène. Évidemment, ça pose une question centrale qui est, que subsiste-t-il des acquis des femmes dans un monde dans lequel l'anthropocène s'estompe et où les ressources deviennent moins abondantes, elle dit "artung", ça c'est un danger pour nous. Et donc aujourd'hui, être féministe, ça veut dire aller nous investir nous-mêmes des postes de responsabilité où on décide de l'allocation des ressources. Et je trouve que c'est génial comme conclusion, parce qu'elle ne dit pas qu'il faut défiler dans la rue et manifester, elle dit "il faut faire des sciences et aller occuper des postes où on va gérer l'allocation des ressources". C'est très intéressant.

De l'inégalité parmi les sociétés : Essai sur l'homme et l'environnement dans l'histoire : Un bouquin que j'ai lu il y a pas longtemps et que j'ai trouvé très éclairant, c'est un bouquin de Jared Diamond qui s'appelle "L'inégalité parmi les sociétés", en anglais, c'est "Guns, Germs et Steel", qui est un bouquin formidable, beaucoup plus intéressant qu'Effondrement, très largement plus intéressant, Effondrement est un peu discutable, moi je trouve qu'il généralise des cas de figure qui sont très particuliers. L'île de Pâque, c'est quand même pas la civilisation dans son ensemble, alors que là, il traite de la civilisation dans son ensemble. Il a un style un peu lent quand même, Diamond, mais le fond du bouquin est passionnant, et il explique comment les espèces sauvages domesticables qui étaient disponibles sur les divers continents expliquent, des milliers d'années après, pourquoi est-ce qu'une poignée de conquistadors espagnols a réussi à venir à bout de dizaines de milliers d'Incas. Voilà, je vais pas expliquer le raisonnement, mais c'est lumineux. C'est super intéressant comme bouquin, et en fait c'est un bouquin qui théorise de façon un peu structurée le déterminisme géographique de l'évolution des civilisations. Et ça se rapproche un peu aussi pour moi de pourquoi est-ce que les peuples du Nord sont venus enquiquiner les peuples du Sud en Europe, au moment de ce qu'on a appelé les invasions barbares. Tout ça se rapproche de même explications qui sont à la base physico-géographico-biologiques, et c'est super intéressant.

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