Féminicène Véra Nikolski
Ce livre part d’un constat simple, qui se présente comme une énigme : bien que parfaitement justifiées et nécessaires, les luttes pour l’émancipation des femmes sont pour la plupart restées sans conséquences. À l’inverse de conquêtes sociales résultant clairement de mobilisations diverses, l’évolution du statut des femmes dans la société n’a fait suite à aucune grève, aucune manifestation d’ampleur, aucun blocage. Et cependant nul ne peut nier que, même s’il leur en reste à parcourir, les femmes ont fait du chemin depuis un siècle et demi.
À la croisée de deux thématiques, le féminisme et la crise environnementale, Véra Nikolski pose l’hypothèse « matérialiste » que c’est l’enrichissement général de la société, le progrès technique et plus spécifiquement médical qui ont permis aux femmes de faire évoluer leur statut social et politique. Volontairement polémique, le titre lie donc sciemment l’amélioration du sort des femmes avec le vaste processus historique enclenché à la révolution industrielle et dont on sait aujourd’hui qu’il fait peser des risques immenses sur notre environnement. Et ce afin de mettre les femmes en garde : la déstabilisation du climat et la crise des ressources ne menacent-elles pas de fragiliser voire d’inverser le mouvement d’égalisation ? Et dans ce cas ne faudrait-il pas abandonner la logique de réclamation qui caractérise le féminisme actuel pour mener le combat sur d’autres terrains ?
Issue d’une famille de scientifiques, Véra Nikolski est normalienne, titulaire d’un DEA de sciences sociales et d’un doctorat en science politique. Mère de trois filles et ancienne pratiquante d’arts martiaux, elle travaille dans la fonction publique.
Jean-Marc Jancovici : Féminicène d'une autrice qui s'appelle Vera Nikolski, alors qui est une féministe qui irrite les féministes, c'est assez rigolo, mais ça moi j'adore, parce que j'aime beaucoup les gens qui prennent des contre-pieds. Dans lequel, en gros, son grand thème, c'est l'émancipation des femmes n'a pas résulté principalement de revendications, elle a résulté principalement de conditions matérielles qui ont permis la réalisation de cette émancipation. Et elle, au premier chef d'entre elles, elle cite l'anthropocène, c'est-à-dire l'accès à des ressources en masse et à de l'énergie en masse, parce que ça a permis de diminuer la mortalité infantile, or, moins de grossesse et moins d'allaitement, c'est fatalement un facteur de différence entre les hommes et les femmes qui s'estompe. La tertiarisation de l'emploi qui a été permise par l'anthropocène est un facteur également d'émancipation, parce que la force physique ne compte plus pour occuper un travail. Les tâches domestiques ont été considérablement réduites, même quand elles sont encore exercées par les femmes à cause de la mécanisation du lavage du linge, de la préparation de la nourriture, etc. Et donc, en fait, elle cite tous les exemples dans lequel cette émancipation a été rendue possible par les acquis de l'anthropocène. Évidemment, ça pose une question centrale qui est, que subsiste-t-il des acquis des femmes dans un monde dans lequel l'anthropocène s'estompe et où les ressources deviennent moins abondantes, elle dit "artung", ça c'est un danger pour nous. Et donc aujourd'hui, être féministe, ça veut dire aller nous investir nous-mêmes des postes de responsabilité où on décide de l'allocation des ressources. Et je trouve que c'est génial comme conclusion, parce qu'elle ne dit pas qu'il faut défiler dans la rue et manifester, elle dit "il faut faire des sciences et aller occuper des postes où on va gérer l'allocation des ressources". C'est très intéressant.
Ce livre est recommandé par : Jean-Marc Jancovici
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