Cécile Guilbert, Ramsès Kefi, Freida McFadden, David Thomas, John Boyne : que lire cette semaine ? - Le masque et la plume

Le Roi des cendres : Lui, c'est l'avenir du roman noir américain. Vous oubliez Connelly, vous les oubliez tous. C'est lui, c'est Cosby. Il est noir, il vit en Virginie. Ses quatre livres traduis en français son quatre merveilles, toujours en Virginie. Et là, il nous raconte l'histoire d'une famille, la famille Carriers, qui exploite un crématoire. Donc leur boulot, c'est de cramer des cadavres toute la journée. Alors, je vous fais court, il y aura forcément une histoire de bandits, etc. Et le crématoire va avoir une activité surmultipliée, parce que c'est le seul moyen de se débarrasser de pas mal de monde. C'est magnifique, c'est remarquablement écrit. Et je pense que vous allez passer un très grand moment, et quand vous aurez lu celui-là, qui est sorti il y a six semaines, vous vous jetterez sur l'antépénultième, qui s'appelait La colère, qui est en poche, qui est encore meilleur. Et vous saurez que Cosby est un immense, immense écrivain. Bernard Poirette

Que faire de la littérature ? Méditations et Manifeste : C'est un livre d'entretien mené par la critique Mary Kairidi et l'écrivain d'En finir avec Eddy Bellegueule, que l'on sait grand lecteur de Bourdieu et Michel Foucault. Ce livre ici, en fait, a une revigorante archéologie de la littérature. Il en détère toutes les normes, tous les poncifs, comme le rejet de l'émotion, c'est vrai combien de fois n'a-t-on pas dit à cette tribune « Ah,ce livre est bien parce qu'il est sans patos" ou le rejet aussi de la dimension politique. Et ce qui est plus intéressant encore, c'est les pistes qu'il propose, en tout cas, pour faire émerger ce qu'il appelle une littérature de la confrontation. Ça pourrait paraître un peu ardu comme ça, mais en fait, c'est un livre extrêmement accessible, très vivifiant, et je pense que la forme du dialogue aussi rend le texte encore plus accessible. Elisabeth Philippe

Que savions-nous faire de nos mains ? L'intégrale des paroles de Feu! Chatterton : Un recueil de parole, puisqu'il s'agit d'un auteur de chansons qui s'appelle Arthur Teboul, chanteur et auteur du répertoire de Feu ! Chatterton, et ce livre s'intitule "Que savions-nous faire de nos mains", c'est l'un des vers de leur chansons, et le livre rassemble des textes depuis leur premier mini-album paru il y a 11 ans, jusqu'au dernier, sorti il y a quelques mois. Et finalement, ces textes réunis, ça raconte non seulement l'état du monde, mais c'est aussi un portrait de la jeunesse, la jeunesse d'aujourd'hui bien sûr, celle qui écoute autant le rap de PNL que celle qui lit Alcools d'Apollinaire. Alors tous ces textes évidemment prennent un autre relief quand ils sont avec une bande-son rap, électro ou reggaeton même, mais ils tiennent debout dans le silence, et il y a notamment ce morceau intitulé "A cause ou grâce", qui est l'une des plus belles chansons ou l'un des plus beaux textes que j'ai lu récemment, et qui commence par ce verre : "On avait la plage dans le sablier, on prenait le temps". Rebecca Manzoni

Les marches : C'est un inédit au sens où Kandinsky a publié en 1913 un texte en allemand traduit en français sous le titre "Regard sur le passé" mais il l'a remanié et publié en russe en 1918 et ça c'est inédit. Voilà, ça n’a jamais été traduit alors que, comme l'explique justement sa traductrice Catherine Perrel qui signe aussi une postface très intéressante du livre, le russe était quand même sa langue maternelle et la langue dans laquelle il était le plus à l'aise. Alors il y a une superbe exposition en ce moment jusqu'au 1er février, Kandinsky à la Philharmonie de Paris. On peut lire cet essai en écho à l'exposition ou pas, parce que vraiment le texte existe en soi, il est magnifique. On plonge dans son enfance où il y a des premières pages comme le surgissement des couleurs, ensuite on va comprendre les chocs qui ont été pour lui à 30 ans la découverte d'une des meules de foin de Monet et de Lohengrin de Wagner. Donc il a 30 ans, il est encore juriste et il décide d'arrêter le droit pour devenir peintre. Il va en Allemagne. Alors on a une image en tout cas dans les écrits de Kandinsky qui est peu cérébrale et là c'est un livre qui est extrêmement sensoriel et que j'ai trouvé très beau. Anna Sigalévitch

On ne parle pas la bouche pleine: Encyclopédie culturelle de la gourmandise : Je voudrais vous recommander le livre que publie Alain Kruger et qui s'intitule "On ne parle pas la bouche pleine" du nom de l'émission qu’il a animé 496 fois sur France Culture de 2011 à 2018 et qui à rebours de ce qui commençait à apparaître à la télévision, à savoir des concours de terrines vomitives ou des simagrées de chefs tyranniques célébraient la culture de la nourriture. Le livre donc se présente comme l'encycopédie culturelle de la gourmandise et c'est le recueil de transcription des entretiens qui composait l'émission. Défilent des chefs étoilés mais aussi des philosophes, des historiens, des agriculteurs, pour aborder aussi bien La Fontaine que Gaston Lagaffe, Cervantes que Obélix, les recettes de cuisine qu’échangeaient les déportés en catimini, que Jacques Borel, le roi des Restoroutes. C'est le parfait antidote contre ces figures récemment apparus, à savoir le bon vivant réac, le viandard revanchard, les banquets paillards où on bouffe du cochon coiffé du béret fourni par les organisateurs en chantant la digue du cul tous en choeur. Là c'est intelligent, c'est savant, c'est accueillant, c'est copieux, c'est riche et nourrissant, c'est fin, ça se lit sans fin. Laurent Chalumeau