Livres recommandés par Elisabeth Philippe
Mendelssohn est sur le toit Jiri Weil
Un roman-témoignage culte situé dans une Prague occupée par les Allemands, où le sarcasme côtoie la tragédie. Un des plus grands livres sur la Seconde guerre mondiale, par un auteur encensé par Philip Roth, Harold Pinter ou Arthur Miller. Prague, octobre 1941. Reinhard Heydrich, protecteur de Bohême mélomane, s'évertue à déboulonner de l'Opéra la statue de Mendesshon. En vain, car personne n'arrive à identifier Mendelssohn : il n'y a pas de plaque sous les statues... en cherchant celle qui a le plus groz nez, ils tombent sur la statue de Wagner ! Ainsi commencent le récit et les malheurs des petits fonctionnaires tchèques chargés de la purification du Prague... Sauf que Heydrich a vraiment existé, il était même chargé de penser la " solution finale ". Son assassinat par un commando de résistants tchèques a déclenché une répression atroce. Jiri Weil fait partie des quelques milliers de juifs qui ont survécu : il a conçu ce livre en 1946, pour conjurer son histoire et ses années de clandestinité.
Recommandé par : Elisabeth Philippe
Après Sappho Selby Wynn Schwartz
"Notre premier acte a été de changer de nom. Nous allions devenir Sappho." c'est ainsi que s'ouvre le premier roman de Selby Wynn Schwartz, hommage vibrant à celles qui ont emprunté la voie ouverte par la poétesse grecque Sappho. Ces écrivaines, peintres et artistes ont toutes bravé l'oppression en exprimant dans leurs oeuvres leurs identités profondes. Après Sappho nous entraîne à la rencontre de leurs destins au moyen d'une prodigieuse narration chorale, et nous guide à travers les débuts trépidants du XXᵉ siècle aux côtés de figures incontournables : Natalie Barney, Renée Vivien, Romaine Brooks, Gertrude Stein, Virginia Woolf, Sarah Bernhardt, Isadora Duncan, Lina Poletti, Eleonora Duse, Colette ... Biographie, roman, portrait, manifeste, récit expérimental, ce livre est aussi une méditation lumineuse sur l'héritage des pionnières de notre passé. Ode à la liberté, il est fait de lutte et de joie.
Recommandé par : Elisabeth Philippe
Ce que vous trouverez caché dans mon oreille Mosab Abu Toha
En restituant les peines et les joies des habitants de Gaza dans sa poésie-reportage, Mosab Abu Toha donne chair à une terre en guerre, et à sa beauté insoupçonnée. Sa plume concrète, fulgurante, raconte la violence qui s'infiltre dans tous les recoins de l'existence. Comme Gaza elle-même, ces textes sont remplis de décombres. Mais ils sont aussi empreints de beauté et d'une profonde humanité, nichées dans les objets du quotidien, les amitiés qui se nouent et la nature immuable. Ils sont imprégnés de l'odeur du thé et des roses en fleurs. Des enfants naissent, des étudiants vont à l'université, des bibliothèques sortent de leurs ruines, tandis que les Palestiniens trouvent de nouvelles façons de survivre et de créer de l'espoir.
Recommandé par : Elisabeth Philippe
Des mots et des actes : Les belles-lettres sous l'Occupation Jérôme Garcin
Le temps n'est certes plus à l'admiration béate des créateurs, à la séparation de ce qu'ils sont et de ce que leur oeuvre donne à connaître et à admirer. Mais cette double vision, plus pénétrante, fut, pour Jérôme Garcin comme pour d'autres de sa génération, un apprentissage : "À l'adolescence, j'attendais de la littérature à la fois un refuge et un horizon. Je lui demandais de l'aide, je ne lui demandais pas des comptes." Les coulisses de ce théâtre de signes n'étaient pas toutes reluisantes ; et des mots aux actes - c'est bien l'axe de ce livre - il y avait un écart qu'il s'est avéré impossible sinon de combler, du moins d'ignorer. Dans cette passionnante revue d'effectifs des "belles-lettres" sous l'Occupation, qui s'appuie sur une connaissance fine des sources de l'histoire littéraire, Jérôme Garcin ajuste son regard, nos regards sur cette époque en clair-obscur, à l'aune de quelques-unes de ses plus hautes figures morales et intellectuelles - avec l'admirable Jean Prévost tout en haut de l'échelle. Ce questionnement par l'exemple sur la responsabilité de ceux que leurs écrits ont fait briller et qui se sont compromis s'adresse autant aux auteurs de ce temps qu'aux lecteurs d'hier et d'aujourd'hui. Car on a beau se garder de vouloir porter des jugements après coup, se répéter que le dossier est documenté depuis longtemps, on ne peut s'empêcher d'éprouver un persistant malaise à l'évocation de cette arrière-cour des catalogues et à l'égard de cette ignorance feinte, voire d'une certaine complaisance, sur laquelle ont pu et pourraient encore reposer certaines de nos passions littéraires. C'est à mieux saisir cette "part des autres", tantôt sombre, tantôt lumineuse, que Jérôme Garcin s'attache ici, en évoquant les figures de Brasillach, Céline, Chardonne, Cocteau, Morand ou Rebatet, et toujours à la lumière des engagements de Kessel, Lusseyran, Mauriac, Paulhan ou Jules Roy.
Jean-Louis Bourlanges : Je vous recommande ce livre de Jérôme Garcin, qui tente de répondre à la question de Proust (dans « contre contre Sainte-Beuve ») : une œuvre est-elle indépendante de la vie de l’auteur qui l’a produite ? Garcin a longtemps pensé que oui, mais a fini par changer d’avis, et dans ce livre il situe un ensemble d’écrivains dans l’histoire de l’Occupation, et c’est un festival, ou quelques héros côtoient des collaborateurs assez ignobles, comme Paul Morand ou Robert Brasillach … Doit-on pour autant ne plus les lire ? Je crois une non. De Gaulle avait raison de condamner Brasillach en tant que figure intellectuelle, en tant que chef, ayant entraîné dans son sillage nauséabond des milliers de gens. Mais quand ils ont du talent (et dans le cas de Morand c’est incontestable), il faut continuer de lire les écrivains, car comme le disait Blaise Pascal : « cela est d’un autre ordre ».
Recommandé par : Elisabeth Philippe (et aussi par Jean-Louis Bourlanges)