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Livres recommandés par Marc-Olivier Padis

La nuit ukrainienne : Une histoire intime de la révolution Marci Shore

Historienne américaine spécialiste de la mémoire du XX&ssup ;iècle en Europe de l'Est, Marci Shore raconte le destin de l'Ukraine depuis les empires des Habsbourg et russe, en passant par les deux guerres mondiales, l'époque sovietique, jusqu'au point culminant qu'est la révolution de Maïdan de 2013- 2014, à laquelle succédera la première invasion russe, prélude à la guerre à grande échelle d-aujourd'hui. L'originalité de cet ouvrage - initialement paru aux Yale University Press fin 2017 et dont l'actualité renouvelée depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 nous vaut un nouvel avant-propos - vient de ce récit suivant le fil des différents témoins, acteurs de cette révolution : bilingues, multilingues, russophones, ukrainophones, Polonais, catholiques, orthodoxes, juifs, dont le principal, Jurko Prokhasko, est un uniate de Galicie, patriote ukrainien à la fois dénué de nationalisme exclusif et tourné vers l'Europe et les valeurs libérales. Marci Shore écoute les Ukrainiens en temps de révolution et de guerre, et montre une Ukraine diverse, intéressante, et éprise de liberté.

Marc-Olivier Padis : Un livre sur l'Ukraine pour moi aussi cette semaine, de l'historienne américaine Marci Shore, spécialiste de l'Europe de l'Est. Elle a vécu près de l'Ukraine en 2013-2014, au moment de la révolution du Maïdan. La thèse du livre, c'est que la société ukrainienne telle qu'elle existe aujourd'hui est née sur le Maïdan, la place centrale de la capitale ukrainienne, Kyiv, au cours de l'hiver 2013-2014 lors des manifestations contre la pression de Vladimir Poutine sur le président corrompu ukrainien Ianoukovytch, pour refuser de signer un accord d'association avec l'Europe. C'est à ce moment-là qu’il y a eu une mobilisation extrêmement intense des Ukrainiens, tout à fait inattendue, qui a forgé l'esprit de résistance que les Ukrainiens opposent maintenant à la Russie. C'est ce que Poutine a sous-estimé en lançant son attaque contre l’Ukraine : il n'avait pas vu que la société ukrainienne avait été profondément transformée par cet épisode.

Recommandé par : Marc-Olivier Padis

Episode : Élections allemandes / Sommet de l’IA : rêves européens, monopole américain / n °388 / 2 février 2025 - Le nouvel esprit public

Notre homme à Washington : Trump dans la main des Russes Régis Genté

Le 5 novembre prochain, Donald Trump sera de nouveau candidat à la présidence des Etats-Unis. Or il semblerait que l’homme soit depuis des décennies sous l’influence de Moscou. La première puissance occidentale sera-t-elle bientôt dirigée par un président « tenu » par une Russie en plein bras de fer avec l’Occident ?Dans les années 1970, le KGB constate son retard dans le recrutement de sources. Aux Etats-Unis, il repère puis cultive un jeune développeur immobilier new yorkais ambitieux et sans scrupules : Donald Trump. Une cible toute désignée pour en faire un agent d’influence, objectif probablement atteint lors d’un premier voyage à Moscou, en 1987. A son retour, Trump prend des positions publiques critiquant l’OTAN, tout à fait dans la ligne du Kremlin.Les services russes lui apportent des soutiens financiers discrets mais salutaires, par une ribambelle de mafieux soviétiques, d’espions et d’oligarques. Tous soutiennent Trump, souvent sans que l’intéressé comprenne les raisons de cette sollicitude. A chaque fois qu’il frôle la faillite, de généreux mafieux achètent des appartements dans ses Trump Towers ou investissent dans ses projets immobiliers. Ces sauvetages occultes laissent des traces d’argent russe, notamment à travers le rôle trouble de la Deutsche Bank.L’incroyable campagne électorale de 2016 confirme les soupçons d’accointance du candidat avec le Kremlin : membres de son entourage en contact étroit avec les Russes, financements douteux, plus-value de 56 millions de dollars sur la vente de sa demeure à Palm Beach à l’oligarque Dmitry Rybolovlev, piratage de milliers d’emails de la candidate Hillary Clinton, etc. De fait, le président Trump se montre conciliant avec Moscou : il flatte Poutine, réitère sa volonté d’anéantir l’OTAN, prend des positions illibérales… La campagne actuelle va dans le même sens, Trump se déclarant prêt à cesser tout soutien à l’Ukraine.A travers de solides recherches documentaires et des interviews sur le terrain, Régis Genté passe au crible les nombreux indices qui tendent à prouver que Trump est l’homme des Russes. Avec son élection, Poutine peut espérer l’arrêt du soutien américain à Kiev. Il en découlerait une victoire russe en Ukraine aux conséquences incalculables pour le monde libre. Si Trump est l’homme des Russes, il pourrait bien être le fossoyeur de l’Occident démocratique. En lire plus

Marc-Olivier Padis : En écho à la recommandation de Jean-Louis, le livre que je vous conseille contient en quelques sortes les travaux pratiques de l’entretien au KGB, puisqu’il s’agit de la façon dont les services russes ont traité Donald Trump. Il est écrit par Régis Genté, journaliste français installé en Géorgie à Tbilissi. L’auteur y fait la synthèse de ce tout ce que nous savons des relations entre Donald Trump et la Russie, et notamment les services secrets. L’histoire remonte à une quarantaine d’années, à l’époque où Donald Trump, promoteur immobilier, était en relation d’affaires avec des oligarques russes, notamment pour son projet de casino. Il a été sauvé de la faillite plusieurs fois par VTB, la deuxième banque russe (par l’intermédiaire de la Deutsche Bank, son partenaire principal). Si vous n’avez pas eu la patience de lire les 1000 pages du rapport sénatorial sur l’ingérence russe dans les élections de 2016 et le rapport Mueller, Régis Genté l’a fait pour vous, et en condense l’essentiel dans ce livre, alors que les nuages de fumée lancés par le camp Trump pour tenter d’en amoindrir les révélations ont été particulièrement opaques. Les ressorts psychologiques du personnage en font une cible de choix pour les services russes : vaniteux, il est très manipulable par la flatterie. L’ingérence russe est très bien documentée, quatre proches de Donald Trump ont d’ailleurs été condamnés, mais la collusion de Trump lui-même n’est pas établie. Les Russes ont été très déçus par son premier mandat présidentiel, nul doute qu’ils vont essayer de se rattraper sur le second.

Recommandé par : Marc-Olivier Padis

Episode : De Barnier à Bayrou : un problème, deux réponses ? - La sécurité collective à l’heure du révisionnisme trumpiste - Le nouvel esprit public

Une tombe pour deux Ron Rash

Les Hampton, propriétaires de vastes terres, de la scierie et du magasin général de Blowing Rock, petite ville de Caroline du Nord, désapprouvent l'amitié que leur fils Jacob porte à Blackburn, croque-mort défiguré et boiteux à la suite d'une polio. Et plus fortement encore son mariage avec la très jeune Naomi, fille d'un paysan sans le sou. Profitant de l'éloignement de Jacob, parti combattre en Corée après avoir confié Naomi à son ami, ils élaborent un plan inqualifiable justifié à leurs yeux par une certaine idée de l'amour parental. En fait, il s'agit surtout de protéger leurs intérêts et l'honneur de la famille.

Marc-Olivier Padis : Je recommande moi aussi un roman américain, signé de Ron Rash. Jeune soldat envoyé en Corée en 1951 (« La Seconde Guerre mondiale était finie depuis 6 ans à peine »), Jacob Hampton doit quitter la Caroline du Nord et sa jeune épouse enceinte, Naomi. C’est un mariage d’amour, décidé sans l’accord de ses parents. Déshérité, Jacob doit faire vivre sa petite famille sans l’aide de ses parents et il ne peut échapper à la conscription. Rentrera-t-il vivant de la guerre de Corée ? S’il est blessé, pourra-t-il se réconcilier avec ses parents ? S’il meurt, que deviendront sa femme et sa fille ? Un plan tordu et terrible commence à s’échafauder dans la tête de ses parents pour regagner leur fils et couper les liens avec une belle-fille qu’ils n’ont pas choisie. Ce n’est pas à proprement parler une intrigue policière. Plutôt une sombre histoire d’amour possessif dans une Amérique étouffante et pourtant rachetée par la force des paysages et l’obstination taciturne des êtres qui font le bien sans jamais se mettre en avant.

Recommandé par : Marc-Olivier Padis

Episode : La gauche façon puzzle - Israël : ses responsabilités, ses adversaires, ses alliés - Le nouvel esprit public

Une sacrée envie de foutre le bordel : Entretiens avec Jean-Louis Missika Xavier Niel

Des entrepreneurs qui ont fait fortune en partant de zéro, il n'y en a pas beaucoup en France. Un enfant de Créteil qui n'a pas fait d'études, qui a fait de la prison et qui est devenu milliardaire, vous pouvez chercher, il n'y en a pas d'autre. Ceci n'est ni une autobiographie, ni une interview. C'est une conversation entre amis qui raconte un homme, ses choix, ses regrets, ses espoirs. C'est l'histoire d'une réussite et du parcours invraisemblable qui y mène.

Richard Werly : J’ai voulu m’intéresser à ce que nous avons de plus comparable à Elon Musk en France : l’entrepreneur Xavier Niel. J’ai donc lu ce livre d’entretiens avec Jean-Louis Missika, que je vous recommande, car il est éclairant sur le parcours du PDG de Free, et surtout de ce qui le différencie de Musk, outre les caractères, la taille des fortunes ou la dimension des marchés touchés : Niel n’est pas en guerre. Certes, il construit sa fortune et son empire technologique et commercial contre ses concurrents, et sur la ligne jaune de la légalité, mais il reste dans le jeu de la légalité et du capitalisme. Musk est au contraire bel et bien en guerre contre une partie de la société, qu’il estime décadente.

Marc-Olivier Padis : J’ai lu avec intérêt ce livre d’entretiens entre Jean-Louis Missika et l’entrepreneur Xavier Niel. Ce dernier prend peu la parole, on sait qu’il a créé la société Free, l’école numérique gratuite « 42 », un centre de start-ups … On est curieux de lire ce qu’il a à dire sur les évolutions du monde numérique. Nous sommes en pleine révolution technologique, avec le développements d’outils grand public d’IA, l’économie et la vie quotidienne s’en trouvent bouleversés, c’est donc intéressant d’avoir le regard d’un optimiste forcené, croyant dur comme fer à la théorie de Schumpeter de la destruction créatrice, sur la polarisation des opinions, sur la désinformation de masse … Un point de vue intéressant, avec un angle auquel nous ne sommes guère habitués.

Recommandé par : Marc-Olivier Padis (et aussi par Richard Werly)

Episode : Michel Barnier : la stratégie de la tiédeur - À quoi peut encore servir l’ONU ? - Le nouvel esprit public

Dictionnaire amoureux de la traduction Josée Kamoun, Alain Bouldouyre

D'une entrée à l'autre de ce Dictionnaire amoureux, Josée Kamoun nous fait rêver, rire, et réfléchir au fil de ce que nous dit la traduction sur l'inépuisable, l'ensorcelante ambiguïté du monde. Passeurs de frontières, questionneurs permanents du langage et de la langue, les traducteurs sont à fois les instruments et les agents du devenir." Un Dictionnaire amoureux, c'est le contraire d'un dictionnaire : son A à Z n'épuise pas le sujet, et il annonce d'emblée la couleur de sa subjectivité. Il s'agit d'entraîner les lecteurs dans des traboules dont les débouchés peuvent surprendre, de les entraîner parfois aux confins du traduire chez ceux pour qui le mot est geste ou chez ceux dont la langue se délie pour moduler celle des oiseaux. Introduits dans le voyage des œuvres par la belle Schéhérazade, on y croisera des émojistes enlumineurs postmodernes, des harponneurs de baleine blanche, une adolescente anglophone à Vérone, des bilingues et diglosses à leur corps défendu, des irréductibles de Babel et des Fédérés de la Pentecôte. Mon dictionnaire est une histoire d'amour avec toutes les langues et littératures que la traduction m'a offertes, la langue et la littérature anglaises en particulier, mais aussi avec les paysages et les accents américains ; avec la langue et la littérature françaises, avec les vieux vieux textes hébergeant des mots disparus comme avec le parler tout neuf qui court la rue, date de péremption inconnue. Une galerie d'étonnements et d'admirations devant l'inépuisable, l'ensorcelante ambiguïté du réel.

Marc-Olivier Padis : Fallait-il consacrer un volume de cette collection bien connue du dictionnaire amoureux à l’activité réputée la plus infidèle qui soit ? Les traducteurs sont souvent accusés de trahir les écrivains (on connaît l’homophonie/paronomase « traduttore, traditore »). L’autrice montre plutôt que le but paradoxal du traducteur est de se faire oublier. Comment peut-on ainsi souhaiter devenir, au mieux, transparent ? C’est un des fils rouges qu’on peut suivre d’une entrée à l’autre de ce « dictionnaire amoureux qui parle beaucoup de littérature anglo-américaine puisque Josée Kamoun a été la traductrice de Philip Roth mais aussi de John Irving, George Orwell, Virginia Woolf ou encore Richard Ford. Elle parle magnifiquement de ces auteurs qui lui sont plus que familiers pour les avoir non seulement lus mais explorés et véritablement compris de l’intérieur. Un autre fil rouge passionnant concerne l’évolution de la langue en posant la question de la légitimité des nouvelles traductions. Pourquoi traduire à nouveau Shakespeare ou Orwell ? Qu’est-ce qu’une actualisation d’un texte ? Le traducteur est un explorateur de la langue, de la singularité de chaque écriture mais aussi de l’évolution historique de la langue commune des lecteurs et lectrices.

Recommandé par : Marc-Olivier Padis

Episode : Le gouvernement face au budget - Le Liban face à une possible guerre - Le nouvel esprit public

Marc-Olivier Padis apparait dans les épisodes suivants :

Le nouvel esprit public diffusé le 02/02/2025

#388 - Élections allemandes / Sommet de l’IA : rêves européens, monopole américain / n °388 / 2 février 2025

Le nouvel esprit public diffusé le 19/01/2025

#386 - De Barnier à Bayrou : un problème, deux réponses ? - La sécurité collective à l’heure du révisionnisme trumpiste

Le nouvel esprit public diffusé le 13/10/2024

#372 - La gauche façon puzzle - Israël : ses responsabilités, ses adversaires, ses alliés

Le nouvel esprit public diffusé le 06/10/2024

#371 - Michel Barnier : la stratégie de la tiédeur - À quoi peut encore servir l’ONU ?

Le nouvel esprit public diffusé le 29/09/2024

#370 - Le gouvernement face au budget - Le Liban face à une possible guerre

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