Livres recommandés par Juan Branco
Voyage au bout de la nuit Louis-Ferdinand Céline
- Bardamu, qu'il me fait alors gravement et un peu triste, nos pères nous valaient bien, n'en dis pas de mal !... - T'as raison, Arthur, pour ça t'as raison ! Haineux et dociles, violés, volés, étripés et couillons toujours, ils nous valaient bien ! Tu peux le dire ! Nous ne changeons pas ! Ni de chaussettes, ni de maîtres, ni d'opinions, ou bien si tard, que ça n'en vaut plus la peine. On est nés fidèles, on en crève nous autres ! Soldats gratuits, héros pour tout le monde et singes parlants, mots qui souffrent, on est nous les mignons du Roi Misère. C'est lui qui nous possède ! Quand on est pas sage, il serre... On a ses doigts autour du cou, toujours, ça gêne pour parler, faut faire bien attention si on tient à pouvoir manger... Pour des riens, il vous étrangle... C'est pas une vie... - Il y a l'amour, Bardamu ! - Arthur, l'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches et j'ai ma dignité moi ! que je lui réponds.
Juan Branco : Parce que c'est le plus grand livre de littérature du 20e siècle, de très loin.
Recommandé par : Juan Branco (et aussi par Martin Solveig, Flore Vasseur)
Episode : Juan Branco - Comment préparer une guillotine ? - Thinkerview
Crime et châtiment Fédor Dostoïevski
Raskolnikov, jeune étudiant vivant dans la misère, assassine sa logeuse à coups de hache. C'est le point de départ de Crime et châtiment, chef-d'oeuvre paru en 1866, inspiré des quatre années que Dostoïevski passa au bagne en Sibérie. Révolté par la misère, l'alcoolisme et la corruption qui sévissent alors en Russie, l'auteur tire de cette pourriture une oeuvre immortelle. Raskolnikov, ambitieux et solitaire, rejette la morale collective, transgresse les lois de la société, et se rêve en nouveau Napoléon. Pour lui, le monde se divise en deux catégories : les êtres ordinaires et les êtres exceptionnels ; à ces derniers, tout est permis ; alors oui, son crime, comme ceux de Napoléon, sera justifié par l'Histoire. Plongeant dans les ténèbres de l'âme humaine, disséquant la morale, analysant les rouages de la violence, Dostoïevski décrit la déchéance d'un homme, poussé dans ses retranchements par la cruauté du monde.
Juan Branco : Peut-être pour prendre le rebours de le folie de cette époque, d'abord un livre de Dostoïevski, Crime et châtiment, pour une raison très simple, aujourd'hui, comme les bouquins de Pouchkine et compagnie, et là encore, Le Monde, de la même façon qu'il se félicitait quasiment de mon arrestation, a fait un article l'audatif à l'égard des Ukrainiens qui faisait ça. L'Ukraine c'est quand même une culture russe. Pour ceux qui ne savent pas, c'est d'ailleurs un des foyers de la naissance de la culture russe. On peut en discuter ce qu'on veut, mais bon, Chekhov il est russe, enfin il est né en Ukraine, enfin je veux dire, je ne veux pas nier artificiellement l'éventuelle naissance, l'existence d'une identité ukraine à part entière, ce n'est pas mon propos. Mais il y a un mouvement massif de destruction de tous les auteurs russes dans les bibliothèques ukrainiennes. Donc Dostoïevski, Pouchkine et compagnie, tout ça, en fait ils sont soit rangés dans les réserves, soit jetés. Et donc vous avez un article du Monde qui décrit ça en des termes positifs. Et moi je pense qu'on est rentrés dans une... Enfin, je veux dire, c'est dire, encore une fois, on en revient à ça, le niveau des gens qui aujourd'hui font l'opinion publique, nous dirigent et la catastrophe à laquelle ils peuvent nous mener. Donc, Crime et châtiments, Dostoïevski, parce que c’est une des plus belles oeuvres de l'histoire de l’humanité.
Recommandé par : Juan Branco
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Les misérables Victor Hugo
"L'avenir arrivera-t-il ? il semble qu'on peut presque se faire cette question quand on voit tant d'ombre terrible. Sombre face-à-face des égoïstes et des misérables. Chez les égoïstes, les préjugés, les ténèbres de l'éducation riche, l'appétit croissant par l'enivrement, un étourdissement de prospérité qui assourdit, la crainte de souffrir qui, dans quelques-uns, va jusqu'à l'aversion des souffrants, une satisfaction implacable, le moi si enflé qu'il ferme l'âme ; - chez les misérables, la convoitise, l'envie, la haine de voir les autres jouir, les profondes secousses de la bête humaine vers les assouvissements, les coeurs pleins de brume, la tristesse, le besoin, la fatalité, l'ignorance impure et simple. Faut-il continuer de lever les yeux vers le ciel ? le point lumineux qu'on y distingue est-il de ceux qui s'éteignent ? L'idéal est effrayant à voir ainsi perdu dans les profondeurs, petit, isolé, imperceptible, brillant, mais entouré de toutes ces grandes menaces noires monstrueusement amoncelées autour de lui ; pourtant pas plus en danger qu'une étoile dans les gueules des nuages." IVᵉ partie, livre 7, chap. IV.
Juan Branco : Les misérables, de Victor Hugo, parce que ça vous donne une charpente littéraire, politique, intellectuelle, et que c'est pas du tout un livre chiant. En fait, c'est ce genre de livres qui sont au programme, à l'école, et donc on se dit qu'ils sont pas faits pour nous, et en fait c'est des livres merveilleux à découvrir par soi-même et à s'approprier.
David Djaïz : C’est de là que j'ai tiré cette phrase "Étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait". C'est un magnifique livre justement sur l'âme française et notre capacité à nous révolter face aux injustices.
Recommandé par : Juan Branco (et aussi par Michel Wieviorka, David Djaïz)
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