Livres recommandés par Ruth Zylberman
A la recherche du temps perdu Marcel Proust
À la recherche du temps perdu, couramment évoqué plus simplement sous le titre La Recherche, est un roman de Marcel Proust, écrit de 1906 à 1922 et publié de 1913 à 1927 en septembre, où trois derniers parurent après la mort de l'auteur. Plutôt que le récit d'une séquence d'événements, cette œuvre s'intéresse non pas aux souvenirs du narrateur mais à une réflexion psychologique sur la littérature, sur la mémoire et sur le temps. Cependant, comme le souligne Jean-Yves Tadié dans Proust et le roman, tous ces éléments épars se découvrent reliés les uns aux autres quand, à travers toutes ses expériences négatives ou positives, le narrateur (qui est aussi le héros du roman), découvre le sens de la vie dans l'art et la littérature au dernier tome.
Ruth Zylberman : Proust, c'est la fondation et, tout comme Kafka, il n’a jamais quitté ma table de chevet. Ce sont des auteurs que j’ai lus et relus, et qui ont construit extrêmement tôt, mais pour des raisons totalement différentes, mon rapport à la lecture et au monde. Proust, c'est la lecture d'une vie, en particulier Du côté de chez Swann. Dans les moments difficiles, ces très rares moments durant lesquels je n’ai pas pu lire, c’est avec Proust que j’ai pu me raccorder à la lecture.
Recommandé par : Ruth Zylberman (et aussi par Maurice Lévy, Bertrand Badré, Adrien Labastire)
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Cavalerie rouge Isaac Babel
Ecoutant les conseils de son mentor Maxime Gorki, qui l'avait incité à aller voir le monde et à se frotter à la réalité, le jeune écrivain Isaac Babel suivit la campagne de Pologne en tant que correspondant de guerre. De mai à septembre 1920, il accompagna à travers la Volhynie les cosaques de la 1re armée de cavalerie commandée par Boudionny. Les textes de Cavalerie rouge, d'abord publiés séparément, furent rassemblés pour la première fois en recueil par Babel lui-même en 1926 et firent immédiatement sa gloire. Pourtant, comme l'écrit Jean Christophe Bailly dans sa préface : "Le livre de Babel ne saurait être rapporté au genre de l'épopée révolutionnaire. C'est tout le contraire : loin d'installer une légende et de célébrer la marche irréversible de la révolution d'Octobre, le livre procède par de brusques incursions au sein d'une matière violente dénuée de toute candeur..."
Ruth Zylberman : Chez Isaac Babel, il n'y a jamais de pathos, il est très drôle et très ironique. Il a eu un énorme succès avec ce livre. C’est un auteur très ironique, très centré et c'est ce que j'aime dans les livres. La littérature, c'est comme lancer son filet à poissons, et, en même temps, le poisson ne revient pas tout cru : il est très apprêté, et très travaillé. Isaac Babel travaille, nous offre son travail, et c’est un don que j’accepte. Je le remercie de m’avoir donné ce texte.
Recommandé par : Ruth Zylberman
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En invité Peter Kurzeck
À Frankfurt am Main. Après la séparation. Mars 1984, mars de nouveau : une nouvelle ère.
En invité est une porte d’entrée dans « Le vieux siècle », immense fresque romanesque inachevée à laquelle Peter Kurzeck se consacre à partir des années 1990 et jusqu’à sa mort en 2013.
Livre du lieu et de l’errance, de la dérive urbaine et existentielle, où l’écriture se déborde et se risque aux limites de la subjectivité maximale, ramenant à elle toute la vie, l’amour, la filiation, le passé, la pauvreté, et le printemps des merles.
Ruth Zylberman : J’ai découvert ce livre l’année dernière et il m’a tenu compagnie depuis. Dans ce texte, l’auteur, qui vient de se séparer de sa femme, n'a pas d’argent et est accueilli provisoirement chez les gens chez lesquels il peut écrire dans les combles. Il voit sa fille, il marche dans Francfort et c'est tout. J'ai trouvé ce livre extraordinaire, parce que Peter Kurtzek travaille essentiellement sur le rythme et la sensation, et en même temps, il tente d'attraper le temps : celui de son enfance et celui de ses promenades.
Recommandé par : Ruth Zylberman
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Pas dans le cul aujourd'hui Jana Cerna
Probablement écrite en 1962, cette lettre est un véritable manifeste pour la liberté individuelle. Dans les années qui précèdent le Printemps de Prague, Jana Černá livrait dans cette lettre à Egon Bondy sa volonté de révolutionner les codes de conduite, de rechercher de nouveaux « possibles » dans la vie privée, les rapports sentimentaux et la sexualité. En refusant de se soumettre à la primauté masculine, elle affirme aussi son souhait d’une sexualité non séparée des sentiments et de l’activité intellectuelle. Une femme libre Dotée d’une personnalité hors du commun, Jana Černá fascinait son entourage par sa vitalité et son audace. Plusieurs fois mariée et mère de 5 enfants, elle n’a exercé que des emplois occasionnels tels que femme de ménage, contrôleuse de tramway etc. Marginalité et rejet de tout conformisme social, langagier ou politique semblent avoir été ses maîtres mots. Cette lettre débarrassée de toutes conventions, au ton libre et spontané, est d’une étonnante modernité. L’underground praguois Jana Černá fréquente Egon Bondy, auteur mythique en Tchéquie, spécialiste des philosophies orientales, mais aussi auteur des textes des Plastic People of the Universe, le groupe de rock symbole de la rébellion des années 70. Tous deux font partie de la culture clandestine de Prague avec Bohumil Hrabal, l’un des plus importants écrivains tchèques de la seconde moitié du XXe siècle. Ils ont publié leurs écrits sous forme de Samizdat (système de circulation clandestine d’écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l’Est) jusqu’à la chute du communisme. Jana Černá collaborera à différentes publications de cette mouvance, sous divers pseudonymes (Gala Mallarmé, Sarah Silberstein) ainsi que sous son nom de Jana Krejcarova.
Ruth Zylberman : Jana Černá est la fille de la grande Milena Jesenska, très connue pour avoir été la correspondante de Kafka, mais qui était surtout une écrivaine à part entière, une femme extrêmement engagée et très peu conformiste. Jana Černá a été la digne héritière de sa mère. Née en 1928, elle était anti-stalinienne, appartenait aux avant-gardes artistiques, et ne se soumettait pas aux conventions. Je recommande ce texte magnifique à tout le monde et je voudrais aussi que, de temps en temps, toutes les féministes de 20 ans qui m'ont appris beaucoup de choses, que j'aime et dont ma fille fait partie, sachent qu'il y a une histoire, qu'il y a eu des femmes avant elle, et Jana Černá en fait partie.
Recommandé par : Ruth Zylberman
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Les centaures & autres poèmes Zuzanna Ginczanka
Pour la première fois en français, ici dans la traduction du polonais d’Isabelle Macor, il nous est donné de lire enfin l’oeuvre poétique de Zuzanna Ginczanka (1917-1944), reconnue par les plus grands de son temps (Gombrowicz, Tuwim, et bien d’autres) comme une poète au génie précoce. Ce livre important en nombre de poèmes (110) se veut aussi un hommage à Zuzanna Ginczanka, et rend compte de l’évolution et de la diversité de son oeuvre, composée sur seulement dix années, tragiquement interrompue : elle meurt assassinée à l’âge de 27 ans en 1944 dans la banlieue de Cracovie après avoir été arrêtée par la gestapo une seconde fois. Ainsi ce livre démarre-t-il avec son premier poème connu (« Banquet estival », écrit alors qu’elle était encore lycéenne en 1931) pour se poursuivre chronologiquement jusqu’à son dernier, « Non omnis moriar », où elle nommait expressément ces dénonciateurs à Lvov (actuellement Lviv, en Ukraine) où elle fut arrêtée une première fois, avant de l’être à nouveau à Cracovie et ne plus revenir. Ce, en passant par une variété de poèmes relevant de la parabole, de la satire, de l’observation du monde et de la vie humaine saisie dans son regard..., selon un gai savoir grammatical où s’affirme librement sa féminité (fait remarquable), et où la nature abonde, cependant que, avec le pressentiment d’une catastrophe imminente, l’inquiétude s’installe. (Ainsi, dès 1934, un poème comme « Agonie » ne laisse aucun doute sur sa lucidité politique dans une Europe « secouée d’une toux / aux rythmes soldatesques ».) Les Centaures fut précisément le seul recueil de Zuzanna Ginczanka publié de son vivant, les autres poèmes étant quant à eux parus en revue ou dans la presse. Et elle n’aura eu guère le temps d’en composer un autre. Ce livre en édition bilingue comprend également, pour une plus grande appréciation, des documents (photographies, reproductions de manuscrits, etc.), des notes, et (au moins) une postface de la traductrice. Nous sommes plusieurs à vouloir que ressurgisse une telle voix des décombres de l’extermination. En Pologne, elle revit déjà plus particulièrement depuis 20 ans. Des ouvrages importants sur sa vie et son oeuvre y sont encore tout récemment parus. Et plus proche de nous, en France, un film documentaire lui a été consacré : "Tout de moi ne disparaîtra pas" (2022) de Joanna Grudzinska.
Ruth Zylberman : Cette poétesse, c'est Rimbaud. Elle était russophone, elle a choisi d'écrire en polonais, et a écrit Les Centaures*, son premier recueil de poèmes, à 19 ans. Quand elle est arrivée à Varsovie, elle a immédiatement été reconnue par toute l'avant-garde polonaise, notamment par Julian Tuwim, qui était le grand monsieur de la poésie polonaise à l’époque. J’ai choisi le poème qui s’appelle* Grammaire*, ce qui me fait rire, parce que je suis nulle en grammaire. C’est comme ça que j’ai commencé à lire, en ne comprenant rien à la grammaire, mais tout au rythme de la phrase.
Recommandé par : Ruth Zylberman
Episode : Dans la bibliothèque de Ruth Zylberman - Le Book Club
Ruth Zylberman apparait dans les épisodes suivants :
Le Book Club diffusé le 31/10/2025
Dans la bibliothèque de Ruth Zylberman
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