Livres recommandés par Natacha Polony

Si tous les chemins mènent à Rome, les réseaux de l’économie mondiale – fibre optique, systèmes financiers, chaînes d’approvisionnement en semi-conducteurs – convergent tous vers les États-Unis. Véritables outils de coercition, ils leur permettent d’exercer leur influence par-delà leurs frontières, de collecter des informations et de condamner des pays entiers à l’isolement économique.
Devenu une référence dès sa sortie aux États-Unis, ce livre raconte comment ces réseaux ouverts sont devenus le soubassement d’un empire secret. Mis en place par les entreprises à la faveur de la mondialisation, ils répondaient à un esprit de profit plutôt que de conquête. Mais l’attaque du 11 Septembre a tout changé. L’administration américaine a découvert le pouvoir stupéfiant que lui conféraient ces réseaux. Et la tentation de les utiliser d’abord contre ses ennemis, puis progressivement contre ses alliés, était d’autant plus irrésistible que ces réseaux avaient leur ancrage physique sur le sol américain.
Écrit comme un thriller, ce livre nous met dans les pas des protagonistes de cette histoire hallucinante, du président de la Citibank au directeur de la NSA, agence chargée du renseignement électromagnétique, en passant par Edward Snowden et la carte Stormbrew qui identifie les « nœuds » stratégiques de l’empire… 
Et nous interroge : que ferait un Trump nouvellement élu de cet empire ? Comment la Chine organise-t-elle la riposte ? L’Europe peut-elle sortir de la vassalisation ?

Natacha Polony : Ça raconte comment les États-Unis ont manipulé, ont concentré, les réseaux de communication, les réseaux financiers pour créer des goulots d'étranglement et imposer leur pouvoir. Ça a donné évidemment toutes les problématiques d'extraterritorialité du droit américain et c'est un bouquin fondamental pour comprendre où nous en sommes et les risques, parce que ce qu'ils expliquent bien c'est à quel point, en essayant de créer ces goulots d'étranglement et d'acculer leurs adversaires, ils risquent de mettre la Chine dans une position où elle aura le choix entre soit se dire bon allez ça va passer en fait, soit de faire la guerre.

Recommandé par : Natacha Polony

Episode : Natacha Polony sans filtre - Thinkerview

Quinn Slobodian est spécialiste de l’histoire du néo-libéralisme et professeur d'histoire économique et politique globale à l'Université de Boston. Il a notamment publié Les Globalistes. Une histoire intellectuelle du néolibéralisme (Seuil, 2022). 

Si l’on jette un rapide coup d’œil à un planisphère, nous ne verrons qu’un patchwork d’États-nations, net et bien connu. Et si notre réalité était toute autre ? La mondialisation a bouleversé l’ordre du monde, entraînant un foisonnement de nouvelles entités : paradis fiscaux, ports francs, cités-États, enclaves fermées et zones économiques spéciales. Ces nouveaux espaces, libérés des formes ordinaires de réglementation, de taxation et d’obligations mutuelles, perforent la carte des pays. Là, les fanatiques de l’ultra-capitalisme échappent au pouvoir des gouvernements et au contrôle démocratique.

C’est ce monde, composé de trous, d’aspérités et de zones grises que Quinn Slobodian décrit, se lançant sur les traces des libertariens radicaux les plus notoires - de Milton Friedman à Peter Thiel et Elon Musk. Cette enquête magistrale nous mène du Hong Kong des années 1970 à l'Afrique du Sud à la fin de l'apartheid, du Sud des États-Unis à la ville de Londres, de Dubaï à la Somalie en guerre, et jusque dans le métavers, révélant de manière vertigineuse les progrès terrifiants du capitalisme sans la démocratie.

Le Capitalisme de l'apocalypse nous offre une histoire inédite des dernières décennies et une vision alarmante de notre futur proche.

Natacha Polony : Quinn Slobodian, qui est un historien canadien spécialiste du néolibéralisme. Alors le titre français est très mauvais, le capitalisme de l'apocalypse, c'est pas ça du tout. En fait c'est une analyse sur tous les moments où ont été inventés des zones franches qui permettaient de créer des paradis fiscaux en dehors des Etats. Donc ça part de l'histoire de Singapour, de Hong Kong, ça passe par la city entièrement refaite pour être une espèce de zone hors contrôle dans Londres. On y apprend par exemple, parce que ça, autant la City, Singapour, je connaissais très bien tout ça, autant je ne savais pas par exemple que en Afrique du Sud à la fin de l'apartheid, des idéologues se sont dit que ce serait peut-être une bonne idée de créer un état blanc séparé des noirs qui serait là évidemment aussi un paradis fiscal où on échappe à l'impôt. Et en fait quand vous lisez ça, vous comprenez quelle est la mentalité d'un Elon Musk, d'un Peter Thiel, vous comprenez en quoi il y a un lien entre le libertarisme et l'idée de ségrégation, l'idée qu'on va se créer un endroit où on a le droit de choisir avec qui on vit et évidemment on exclut tous ceux qui ne vous ressemblent pas. Ce livre la est absolument passionnant, il est fondamental.

Recommandé par : Natacha Polony

Episode : Natacha Polony sans filtre - Thinkerview

" Thucydide l'athénien a raconté les différentes péripéties de la guerre des Péloponnésiens et des Athéniens ; il s'est mis à l'œuvre dès le début de la guerre, car il prévoyait qu'elle serait importante et plus mémorable que les précédentes. Sa conjoncture s'appuyait sur le fait que les deux peuples étaient arrivés au sommet de leur puissance. De plus, il voyait le reste du monde grec soit se ranger immédiatement aux côtés des uns et des autres, soit méditer de le faire. Ce fut l'ébranlement le plus considérable qui ait remué le peuple grec, une partie des Barbares, et pour ainsi dire presque tout le genre humain. "

Natacha Polony : Si vous lisez Thucydide, d'abord vous comprenez comment on arrive à la guerre. C'est-à-dire que, c'est d'ailleurs extraordinaire, par exemple le déclenchement de la guerre de 14-18 ressemble terriblement au déclenchement de la guerre du Péloponnèse. Et comment un jeu d'alliance finit par faire en sorte que tout le monde tombe dans cette guerre. Et deuxièmement, si vous lisez, vous vous apercevez aussi que vous avez l'explication de ce qu'est l'impérialisme. Thucydide raconte que c'est l’impérialisme athénien qui a conduit Athènes à sa perte, et que Athènes, dont je vous ai dit tout à l'heure que c'était une démocratie et que Périclès décrivait merveilleusement la démocratie, le problème c'est qu'Athènes croyait pouvoir utiliser dans sa politique extérieure le contraire des valeurs qu'elle défendait à l'intérieur. C'est-à-dire qu'il y a un épisode extraordinaire, c'est l'épisode avec l'Île de Melos. L'Île de Melos essaye de rester neutre dans cette guerre, de dire on se mêle pas de ça, ne nous obligez pas à venir. Et les Athéniens leur disent, vous êtes avec nous ou contre nous, les Méliens disent non. Et que fait Athènes ? Athènes rase l'Île de Melos et envoie tous les habitants en esclavage. C'est-à-dire que la démocratie impose sa volonté par la guerre. Ça finit toujours mal.

Recommandé par : Natacha Polony (et aussi par Loïc Finaz)

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