Livres recommandés par Marc-André Selosse
De l'inégalité parmi les sociétés : Essai sur l'homme et l'environnement dans l'histoire Jared Diamond
Pourquoi une telle domination de l'Eurasie dans l'histoire ? Pourquoi ne sont-ce pas les indigènes d'Amérique, les Africains et les aborigènes australiens qui ont décimé, asservi et exterminé les Européens et les Asiatiques ?L'inégalité dans la répartition des richesses entre les sociétés est liée aux différences de milieux, pas aux différences génétiques.Mobilisant des disciplines aussi diverses que la génétique, la biologie moléculaire, l'écologie des comportements, l'épidémiologie, la linguistique, l'archéologie et l'histoire des technologies, Jared Diamond montre notamment : - le rôle de la production alimentaire (c'est-à-dire la domestication des plantes et des animaux sauvages, puis l'augmentation des vivres par l'agriculture et l'élevage, qui permet d'entretenir des bureaucraties et des artisans spécialisés dans la production des armes) ;- l'évolution des germes caractéristiques des populations humaines denses favorisées par la révolution agricole (les germes eurasiens ont tué plus d'indigènes américains et non eurasiens que les fusils ou les armes d'acier des Eurasiens) ;- le rôle de la géographie dans la diffusion contrastée de l'écriture et de la technologie, selon la latitude en Eurasie, mais la longitude aux Amériques et en Afrique.À l'ère de la globalisation, Jared Diamond nous propose opportunément cet essai, en tout point singulier, sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les sociétés.
Jean-Marc Jancovici : Un bouquin que j'ai lu il y a pas longtemps et que j'ai trouvé très éclairant, c'est un bouquin de Jared Diamond qui s'appelle "L'inégalité parmi les sociétés", en anglais, c'est "Guns, Germs et Steel", qui est un bouquin formidable, beaucoup plus intéressant qu'Effondrement, très largement plus intéressant, Effondrement est un peu discutable, moi je trouve qu'il généralise des cas de figure qui sont très particuliers. L'île de Pâque, c'est quand même pas la civilisation dans son ensemble, alors que là, il traite de la civilisation dans son ensemble. Il a un style un peu lent quand même, Diamond, mais le fond du bouquin est passionnant, et il explique comment les espèces sauvages domesticables qui étaient disponibles sur les divers continents expliquent, des milliers d'années après, pourquoi est-ce qu'une poignée de conquistadors espagnols a réussi à venir à bout de dizaines de milliers d'Incas. Voilà, je vais pas expliquer le raisonnement, mais c'est lumineux. C'est super intéressant comme bouquin, et en fait c'est un bouquin qui théorise de façon un peu structurée le déterminisme géographique de l'évolution des civilisations. Et ça se rapproche un peu aussi pour moi de pourquoi est-ce que les peuples du Nord sont venus enquiquiner les peuples du Sud en Europe, au moment de ce qu'on a appelé les invasions barbares. Tout ça se rapproche de même explications qui sont à la base physico-géographico-biologiques, et c'est super intéressant.
Jean-Marc Jancovici : Il explique comment est-ce que l'environnement physique, à l'échelle des milliers d'années, explique les sociétés qui ont dominé les autres dans l'époque contemporaine. Alors, probablement qu'on trouvera des critiques, je l'ai trouvé beaucoup plus intéressant que l'autre bouquin de Jared Diamond, Effondrement, qui a beaucoup fait parler de lui, où il se concentre quand même sur quelques cas d'études, les Vikings, l'Ile de Pâques, etc. toute la société mondiale n'est pas comme l'Ile de Pâques. Là, j'ai trouvé que c'était beaucoup plus intéressant.
Recommandé par : Marc-André Selosse (et aussi par Jean-Marc Jancovici, Jean-Marc Jancovici)
Amazonie : les 12 travaux des civilisations précolombiennes Stéphen Rostain
Les Indiens d'Amazonie actuels sont bien différent de leurs ancêtres précolombiens. Le choc microbien de la conquête européenne a détruit leurs populations : nous contemplons aujourd'hui des vestiges, des sociétés reconstruites après ce cataclysme socio-culturel. À quoi ressemblaient-elles jadis ? Pour l'entrevoir, il faut changer de point de vue et oublier nos préjugés sur ce peuple. C'est ce que nous invite à faire l'archéologue Stéphen Rostain spécialiste - et amoureux - de l'Amazonie. Peuplement, domestication, innovations, échanges à longues distance, rituels funéraires, parures, cannibalisme... autant de pans d'une histoire américaine méconnue sont ici abordés en prenant comme fil conducteur les célèbres travaux d'Hercule. Car, dans la démesure de l'Amazone, les Indiens du passé ont bel et bien accompli une oeuvre de géant, digne du demi-grec. Les écuries d'Augias, la biche de Cyrénée ou les pommes d'or des Hespérides renvoient par exemple aux terrassements colossaux réalisés par les Indiens, à leurs innombrables innovations technologiques que l'on pensait autrefois être l'apanage des Andes, ou à cette fameuse « terra preta » dont l'extraordinaire fertilité intéresse de près les agronomes. Quant aux oiseaux de Stymphale, ils sont un symbole, hélas terrifiant, de la chute démographique et du chaos que provoqua la conquête européenne, engloutissant à sa suite une grande partie d'une culture indigène puissamment originale. Ce livre offre un récit fascinant et un véritable voyage scientifique, nourri des connaissances les plus récentes en archéologie, ethnologie, géographie, écologie, botanique, etc. pour en finir avec les idées reçues et découvrir la véritable histoire des premiers habitants de la plus grande forêt du monde.
Marc-André Selosse : Vous découvrirez comment l'Amazonie n'est pas une forêt vierge, mais c'est déjà quelque chose qui porte l'empreinte de l'homme, et une empreinte qui ne s'est pas opposée à la biodiversité. Une agriculture non labourée, assez extensive, nécessitant qu'un très faible appoint de viande et donc la chasse suffisait, peut-être un peu d'élevage de poissons. Redécouvrez l'Amazonie sous la plume de Stéphane Rostin, c'est assez incroyable.
Recommandé par : Marc-André Selosse
Comment l'Empire romain s'est effondré : Le climat, les maladies et la chute de Rome Kyle Harper
Ce livre monumental propose un autre récit de la chute de Rome, faisant des puissances de la nature un acteur essentiel de son destin. Changements climatiques, éruptions et bactéries ont largement pesé dans la décimation de l'Empire, marquant la période qui s'étend du VIe au VIIe siècle, comme la plus grande régression de toute l'histoire de l'humanité en matière de population. Comment Rome est-elle passée d'un million d'habitants à 20 000 (à peine de quoi remplir un angle du Colisée) ? Que s'est-il passé quand 350 000 habitants sur 500 000 sont morts de la peste bubonique à Constantinople ? On ne peut plus désormais raconter l'histoire de la chute de Rome en faisant comme si l'environnement (climat, bacilles mortels) était resté stable. L'Empire tardif a été le moment d'un changement décisif : la fin de l'Optimum climatique romain qui, plus humide, avait été une bénédiction pour toute la région méditerranéenne. Les changements climatiques ont favorisé l'évolution des germes, comme Yersinia pestis, le bacille de la peste bubonique. Mais " les Romains ont été aussi les complices de la mise en place d'une écologie des maladies qui ont assuré leur perte ". Les bains publics étaient des bouillons de culture ; les égouts stagnaient sous les villes ; les greniers à blé étaient une bénédiction pour les rats ; les routes commerciales qui reliaient tout l'Empire ont permis la propagation des épidémies de la mer Caspienne au mur d'Hadrien avec une efficacité jusque-là inconnue. Le temps des pandémies était arrivé. Face à ces catastrophes, les habitants de l'Empire ont cru la fin du monde arrivée. Les religions eschatologiques, le christianisme, puis l'islam, ont alors triomphé des religions païennes.
Marc-André Selosse : Plus anxiogène. Le déclin de l'Empire romain, je crois que c'est le titre français de Kyle Harper, où on découvre que ce n'est pas le plomb, ce n'est pas les invasions barbares, les barbares étaient depuis très longtemps en frontière. C'est le changement climatique et les épidémies qui ont détruit l'Empire romain. Alors ça, c'est anxiogène. Moi, je l'ai lu au début de la Covid. Parce que pour le coup, il y a une leçon en creux, c'est que le changement climatique et combiné aux maladies, ça peut vous détruire une civilisation qui fut sans doute une des plus flamboyantes. Et qui reste quand même un achèvement intéressant de l'humanité. Sauf que, ben oui, ils labouraient, ils n'étaient pas bien équipés contre les maladies. Tiens, ça tombe bien ? Nous, on sait faire sans tout ça. Donc oui, une lecture qui est en creux nous donne envie de bouger un petit peu.
Recommandé par : Marc-André Selosse