Livres recommandés par Antoine Foucher
La vie a-t-elle une valeur ? Francis WOLFF
« Proclamer l'égalité du droit à vivre de tous les vivants, c'est les empêcher de vivre »Au « nous les damnés de la terre » des mobilisations ouvrières, au « nous les Français » des exhortations nationalistes, au « nous les humains » de la tradition humaniste, il faut aujourd’hui ajouter le « nous les vivants » de la conscience écologiste. Nous sommes en effet des êtres vivants et notre sort est indissolublement lié à celui des autres habitants de la planète. Pourtant ce slogan généreux et inclusif dissimule des problèmes considérables. Tous les vivants se valent-ils ? Est-ce seulement pensable ? Et qu’est-ce que la vie ? Est-ce un processus aveugle ou une valeur sacrée ? Que devons-nous aux autres humains présents et à venir ? C’est à ces interrogations cruciales que nous invite ici le philosophe Francis Wolff dans le style vif et clair qu’on lui connaît.
Antoine Foucher : Je voudrais recommander le dernier livre de Francis Wolff. Nos auditeurs réécouteront avec plaisir la thématique enregistrée avec le philosophe il y a un peu plus d’un an, mais son dernier livre est vraiment passionnant, parce qu’on a souvent le sentiment que les vrais problèmes du pays, du monde, sont des problèmes économiques, politiques, sociaux. Et ce qu’il y a de vraiment génial dans ce livre, ce est la façon dont Wolff montre qu’il y a bien plus important qui tout cela. L’auteur mène un combat philosophique pour réhabiliter l’humanisme, est il le fait avec un exemple précis, celui de la transition énergétique, en montrant qui les mot d’ordre « sauver la planète », « sauver la diversité », « sauver la nature », sont totalement inopérants et contradictoires en eux-mêmes. Parce que le vivant, c’est la lutte, et un virus est vivant. Et donc, si on veut sauver les hommes, il faut bien tuer les virus. Sur les droits des animaux : les puces de mon chien sont totalement incompatibles avec les droits de mon chien à ne pas avoir de puces. Et donc, il montre vraiment que notre impuissance à prendre en charge la lutte contre le réchauffement climatique vient du fait que, philosophiquement, le sujet est très mal posé, de façon totalement contradictoire. Et que notre seule manière, en fait, de mener à bien cette lutte, c’est de le faire au nom des humains, et non de « la nature ». Parce que la valeur suprême est la vie humaine. En plus le livre de lit comme un roman policier …
Recommandé par : Antoine Foucher
Episode : C’est Nicolas qui paie : l’amorce d’un conflit intergénérationnel - Le nouvel esprit public
Dans la forge du Monde Pierre Haroche
Les Européens ont été les premiers à faire le tour du globe, en 1522. Ils ont donné à la mondialisation son impulsion par les voyages, le commerce et la colonisation, unifiant le monde comme leur vaste empire. Ils n’étaient pas une civilisation, ils étaient la civilisation.Aujourd’hui, ils assistent au retour du balancier : désormais, l’histoire, c’est les autres. La rivalité entre les États-Unis et la Chine relègue au second plan un Vieux Continent confronté à nouveau à la guerre contre la Russie. Voilà le phénomène que Pierre Haroche met en lumière : le rôle de plus en plus crucial de la nouvelle compétition mondiale entre puissances dans le destin européen. Sous l’effet des dernières crises, dont l’électrochoc ukrainien, les Européens sont contraints d’innover, de se repenser, pour surmonter leurs faiblesses. Une nouvelle Europe est en train de sortir de la forge du monde.Explorer cette boucle inattendue, cette valse séculaire entre deux entités titanesques – l’Europe et le monde –, tel est le projet de ce livre. Car nous sommes à la croisée des chemins. PIERRE HAROCHE est maître de conférences en Relations internationales et Sécurité internationale à l’Université Queen Mary de Londres et chercheur associé Défense à l’Institut Jacques-Delors. Auparavant, il a travaillé à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) et au King’s College de Londres. Ses recherches portent sur l’intégration et la sécurité européennes. Il est également l’auteur d’une anthologie sur l’idée d’Europe dans la littérature, Le Goût de l’Europe (Mercure de France, 2022).
Antoine Foucher : Je recommande très chaudement ce livre de Pierre Haroche, un chercheur universitaire qui travaille entre Paris et Londres. Il s’agit d’une histoire de la dialectique entre l’Europe et le reste du monde depuis la Renaissance. Ce recul de cinq siècles redonne de l’espoir : il est possible que la dynamique du monde nous pousse hors de la « lamentabilité » dans laquelle nous sommes aujourd’hui. L’auteur montre très bien qu’il y a trois phases. La première, qu’il appelle l’Europe impériale, où il montre — dans la lignée de Kundera — que le maximum de diversité dans le minimum d’espace, c’est l’Europe. Cela pousse les nations européennes à se confronter entre elles, jamais tranquilles derrière leurs frontières, contrairement à l’Empire chinois, par exemple. C’est ce qui les a conduites à optimiser les techniques de guerre, et à acquérir la supériorité technologique qui a ensuite permis de conquérir le monde. Puis on arrive au XXème siècle, avec les deux « suicides collectifs » des deux guerres mondiales, qui placent l’Europe dans une situation subordonnée ; elle est cependant encore un enjeu pour le reste du monde : on ne peut pas être puissant si on n’est pas en Europe. Et enfin aujourd’hui, où la situation de l’Europe laisse le monde indifférent : l’Europe provinciale. Les États-Unis s’occupent davantage de Taïwan que de l’Ukraine. D’après l’auteur cette provincialisation va nous conduire à nous rassembler, parce que c’est notre seule option pour ne pas disparaître et devenir une colonie des autres puissances du monde.
Recommandé par : Antoine Foucher
Episode : Le conclave sur les retraites - La guerre USA-Iran - Le nouvel esprit public
Cas d'écoles Eric Chol
L’école française doit faire face à un double défi : non seulement le niveau scolaire continue de baisser, mais l’égalité des chances n’est plus qu’un vœu pieu. Face à la mondialisation et à la révolution technologique, est-il trop tard pour moderniser le fameux « mammouth » et l’adapter aux défis du xxie siècle ? La renommée École alsacienne, établissement privé sous contrat avec l’État et laïque, a développé depuis sa création en 1874 ses propres recettes pédagogiques, en visant l’épanouissement des élèves dans la continuité plutôt que la sélection permanente. Fort de dix-sept années de direction de cette institution, Pierre de Panafieu propose ici, avec finesse et sans prétention, d’en faire un logiciel disponible pour tous, source d’inspiration. Car les points forts de l’École alsacienne, dans le cadre d’un système scolaire qui a explosé, peuvent nourrir la réflexion sur l’école que nous voulons pour nos générations futures. À commencer par l’autonomie de l’établissement, véritable angle mort des réformes successives alors que la décentralisation en matière éducative est plus que jamais nécessaire. Les familles ont également un rôle majeur à jouer, et il serait temps de les associer intelligemment à la formation des enfants. Ces derniers méritent enfin une école qui soit un lieu de vie, leur offrant continuité et bienveillance. Ce sont bien ces trois axes qui doivent guider les réformes à venir, afin de faire de l’école française le véritable pilier de l’économie de la connaissance. Pierre de Panafieu, ancien élève de l’École alsacienne, en est directeur depuis 2001. Éric Chol, ancien élève de l’École alsacienne, est journaliste. Il dirige depuis 2012 la rédaction de Courrier international.
Antoine Foucher : Je voudrais profiter du fait que l’on est aujourd’hui à l’École Alsacienne pour recommander le livre de son directeur, à mon sens, l’un des livres les plus éclairants sur l’histoire de l’Éducation nationale dans notre pays ; plutôt du côté de la pédagogie que des institutions. Je donne deux exemples, parce que le livre n’est pas résumable en 30 secondes. Le premier, c’est : en tant que parent, on a souvent le sentiment d’être un peu mis à l’écart par l’institution scolaire en France, surtout quand on a eu la chance d’être parent dans d’autres pays ou d’avoir été élevé dans d’autres pays. Ça vient de très loin, et de très longtemps, plusieurs siècles. Et il y a une forme de continuité entre l’institution scolaire d’aujourd’hui (qui considère les parents un peu comme des ennuyeux qui prennent trop soin de leurs enfants), l’école de la Troisième République, qui suspectait toujours les parents d’avoir peut-être voté pour l’empereur et d’être antirépublicains, et l’école des jésuites de l’Ancien Régime, qui suspectait toujours les parents d’être tentés par la Réforme. Cette continuité est extraordinairement bien montrée dans le livre. Et puis un deuxième exemple : j’ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi, dans toutes les études internationales sur le système scolaire français, il est établi depuis des décennies que les élèves français sont ceux qui ont le moins confiance en eux quand ils sortent du système scolaire. Lisez Cas d’écoles, et vous comprendrez pourquoi.
Recommandé par : Antoine Foucher
Episode : Comment répartir l’effort du désendettement ? - Trump contre la Californie - Le nouvel esprit public
Antoine Foucher apparait dans les épisodes suivants :
Le nouvel esprit public diffusé le 06/07/2025
#410 - C’est Nicolas qui paie : l’amorce d’un conflit intergénérationnel
Le nouvel esprit public diffusé le 29/06/2025
#409 - Le conclave sur les retraites - La guerre USA-Iran
Le nouvel esprit public diffusé le 15/06/2025
#407 - Comment répartir l’effort du désendettement ? - Trump contre la Californie
S'abonner à la newsletter
Inscrivez-vous pour recevoir les derniers livres ajoutés sur le site une fois par semaine