Paradoxes de la pensée progressiste André Perrin
Depuis la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’empire soviétique, il semble que les idées libérales aient gagné la partie : de fait, le système de production capitaliste et l’économie de marché se sont imposés au point que ceux-là mêmes qui persistent à les vilipender dans leurs discours se gardent bien de les remettre en question lorsque, d’aventure, le pouvoir politique leur est confié. La pensée progressiste, qui se développait jusque-là sous le régime de la lutte des classes, s’est trouvée désorientée par l’épuisement du « grand récit » révolutionnaire. Les classes laborieuses dont elle se voulait le porte-parole se sont détournées d’elle et, à son grand scandale, se sont mises à « voter mal ». Désormais orpheline de la classe ouvrière, elle s’est cherché un peuple de substitution et elle a cru le trouver en agrégeant différentes « minorités », ethniques et sexuelles. Renonçant à la lutte des classes au profit de la lutte des races et de la lutte contre « toutes les discriminations », elle en est arrivée à renier l’héritage des Lumières et à promouvoir des conceptions réactionnaires et obscurantistes, parfois même franchement délirantes. Lecteur et auditeur attentif des médias où domine ce « tout petit monde » de l’intelligentsia progressiste, journalistes, universitaires, gens de culture, André Perrin met en évidence les contradictions auxquelles elle se trouve ainsi acculée, les contorsions intellectuelles et les acrobaties verbales au moyen desquelles elle tente d’y échapper, les techniques d’intimidation auxquelles elle a recours pour nous empêcher de voir une réalité qui dérange ses certitudes. Sous sa plume ironique et incisive, d’une réjouissante férocité, se dévoile un monde à la fois consternant et hilarant, celui de la « post vérité » dans lequel nous sommes entrés. Agrégé de philosophie et ancien professeur de classes préparatoires aux grandes écoles, André Perrin est l’auteur de plusieurs ouvrages remarqués dont Scènes de la vie intellectuelle en France (L’Artilleur, 2016). Il collabore à la revue Commentaire.
Philippe Meyer : Je recommande la lecture du dernier livre d’André Perrin, agrégé de philosophie, qui prend l’intelligentsia dominante au pied de la lettre, ou plutôt au pied de ses lettres, mieux encore, au piège de ses écrits et de ses mots. Ceux qui tombent sous le regard documenté et ironique de l’auteur ne sont pas ceux qui empêchent de dire ce que l’on voit de la réalité politique et sociale, mais ceux qui, pour reprendre, comme Perrin, le mot de Péguy, sont ceux qui s’empêchent et qui empêchent de voir ce qu’on voit. En passant au tamis telle déclaration d’un économiste atterré, tel éditorial d’un journaliste faisant l’intéressant en s’appuyant sur une lecture de Descartes riche en contresens et qui semble relever de la méthode qui permettait à Woody Allen de lire La Guerre et la Paix en vingt minutes, en décortiquant un article qui justifie une fausse information au motif qu’elle est politiquement cohérente, André Perrin brosse un tableau d’une intelligentsia qui évoque irrésistiblement les médecins de Molière. C’est dire que l’on passe d’excellents moments à le lire et à rire tout seul dans son fauteuil. Perrin me fait penser à cet aphorisme de Samuel Johnson : « les gens n’ont pas besoin qu’on leur fasse la leçon, ils ont besoin qu’on leur rafraîchisse la mémoire ».
Ce livre est recommandé par : Philippe Meyer
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