Waldeck-Rousseau - Sauver la République Christophe Bellon
Homme de la Troisième République, président du Conseil de 1899 à 1902, Waldeck-Rousseau est associé à plusieurs réformes importantes, dont les plus significatives sont la loi sur la liberté syndicale de 1884 et la loi de 1901 sur les associations. Figure marquante de la vie politique française au tournant du XXe siècle, il a joué un rôle clé dans la gestion de l'affaire Dreyfus et la réhabilitation du Capitaine.
À la fin du XIXe siècle, la France républicaine se dresse contre la France catholique. Plusieurs gouvernements viennent de tomber ; la République est bousculée. Quel républicain peut prendre les rênes du gouvernement de la France ? Dans ce moment de crise, Waldeck-Rousseau rassure : élu député très jeune, il s'est déjà illustré à deux reprises au ministère de l'Intérieur. S'il prend alors les traits de l'homme providentiel, il est surtout celui qu'on n'attendait pas. D'une timidité presque maladive, il a exercé ses responsabilités politiques avec un détachement et un désintéressement qui lui ont assuré une grande autorité et une popularité singulière. Ni radical, ni socialiste, il compte agir en homme du bloc central, non par seule commodité, mais parce que c'est au centre que l'on peut le mieux réaliser l'unité républicaine et coordonner tous ceux qui veulent " la République définitive ".
Comment expliquer alors que celui qui a mis fin à l'affaire Dreyfus, a fait oublier les grands scandales par l'action de la justice, a tenu dans la crise sociale en parlant directement avec les ouvriers et a construit un compromis laïque fondé sur la logique associative, ait glissé aussi rapidement dans l'oubli ? C'est à cette question que répond Christophe Bellon en réinscrivant
la trajectoire et l'action de cet homme dans l'histoire politique de la Troisième République.
Jean-Louis Bourlanges : Je conseille chaleureusement ce livre de Christope Bellon, parce qu’il remet enfin en pleine lumière l’une des grandes figures oubliées de la Troisième République. Waldeck-Rousseau est, à mes yeux, un personnage absolument fondamental : l’idole de René Coty, une référence profonde pour Valéry Giscard d’Estaing, et pourtant un nom aujourd’hui presque effacé, ce qui en dit long sur notre rapport sélectif à l’histoire républicaine. Christophe Bellon, qui avait déjà signé un excellent ouvrage sur Aristide Briand, parvient ici à redonner à Waldeck-Rousseau sa juste stature, et même davantage : on découvre un homme peut-être plus subtil, plus moderne, plus intéressant à certains égards que Jules Ferry lui-même. On lui doit d’abord un geste décisif : avoir fait basculer la France dans le camp dreyfusard. Cela n’avait rien d’évident, tant l’opinion était divisée et tant le pouvoir pouvait être tenté de temporiser. Ensuite, parmi ceux qu’on appelait les « opportunistes » — un terme qu’ils revendiquaient mais qui ne rend pas justice à la profondeur de leur engagement — Waldeck-Rousseau est sans doute celui qui a été le plus audacieux sur les questions sociales. Il accorde une attention rare à ce que doit être une relation sociale équilibrée, respectueuse, et il devient le père de la grande loi de 1884 qui officialise les syndicats et le droit de grève. Émile Ollivier en avait préparé l’esprit, mais c’est Waldeck-Rousseau qui lui donne sa forme juridique définitive, et cette loi est l’un des piliers de notre ordre social contemporain. Enfin — et c’est peut-être ce qui me touche le plus — il développe une conception de la laïcité d’une grande ouverture, inspirée directement de Tocqueville. Il croit aux corps intermédiaires, aux associations, aux collectivités, bref à tout ce qui structure une société libre. Lorsqu’il fait voter la grande loi sur les associations, il tente dans le même mouvement de réintégrer les congrégations religieuses. C’est une position nuancée, intelligente, qui cherche le rassemblement plutôt que la confrontation. Il échoue, non par manque de conviction, mais parce qu’il se heurte à une majorité de plus en plus dominée par les radicaux, celle qui finira par porter Émile Combes au pouvoir. Quand il se retire, affaibli par la maladie et accablé par la tournure prise par les événements, ce n’est pas seulement un homme qui part : c’est une certaine idée de la modernisation républicaine, une idée ouverte, libérale, rassemblante. Voilà pourquoi ce livre me paraît si important. Il rend hommage à une figure qui nous a tant apporté, et dont nous aurions tout intérêt à nous souvenir davantage.
Ce livre est recommandé par : Jean-Louis Bourlanges
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