Aller au contenu

Survivre : Une histoire des guerres de Religion Jérémie Foa

Dans le monde incertain des guerres de Religion (1562-1598), survivre est tout un art. Comment mentir, se déguiser, s’échapper, simuler ou dissimuler sa confession religieuse ? Comment se faufiler, tromper ou surprendre son adversaire ? Quelles sont, en somme, les tactiques pour tenir dans un monde soudain hostile, dans lequel le voisin peut dénoncer, le boucher empoisonner, votre accent vous trahir, le fils égorger, le mari mentir et la rue naguère familière devenir guet-apens ? « Car en matière de guerres intestines, écrit Montaigne, votre valet peut être du parti que vous craignez. Et lorsque la religion sert de prétexte, les parentés mêmes deviennent peu fiables ».En s’appuyant sur des chroniques contemporaines et sur un matériau archivistique exceptionnel, cette enquête entend rendre sensible ce que fut l’expérience concrète des « tristes hommes d’après 1560 ». Parce que la guerre civile rend incertain ce qui semblait le mieux établi – l’identité des êtres et des choses, le statut des lieux, le langage lui-même –, Survivre entreprend de mettre en lumière les savoir-faire et les savoir-vivreavec le trouble. Mais ce livre n’entend pas seulement restituer au plus près des documents ce que fut l’épreuve de la guerre intestine. Il propose une relecture ambitieuse de l’ensemble des guerres de Religion, laboratoire de notre modernité, désormais envisagées au prisme de la condition d’incertitude.

David Djaïz : J’avais déjà recommandé le livre de Jérémie Foa consacré au massacre de la Saint-Barthélémy. Il vient d’en commettre un autre, que je vous conseille vivement aussi. Là encore, fidèle à la tradition de la sociologie de Chicago, tout est raconté à hauteur d’homme et de situations. L’auteur nous livre ici une description magistrale de la vie au quotidien des guerres de religion, et dans la guerre civile en général. La guerre civile, c’est un effondrement fiduciaire : on ne peut plus faire confiance à quiconque, ni aux lieux censés être des abris. La chambre à coucher, et même le lit, peuvent devenir le tombeau, on ne peut plus faire confiance aux mots, dont le sens peut varier du tout au tout d’une faction à l’autre. On comprend parfaitement pourquoi Montaigne écrit ses Essais dans un tel contexte : le monde est devenu « une branloire pérenne », un endroit où l’on ne peut plus se fier à rien. En creux, on comprend aussi pourquoi l’Etat français absolutiste du XVIIème siècle a joué ce rôle de stabilisateur, jusque dans la langue avec l’Académie française. Le livre est magnifique, il s’agit d’une nouvelle perspective sur les guerres de religion.

Ce livre est recommandé par : Jean-Marc Proust, David Djaïz

Ce livre est mentionné dans :

"Bien-être", "Le Mal Joli", "Les derniers jours du parti socialiste"... Que lire ? - Le masque et la plume

La gauche façon puzzle - Israël : ses responsabilités, ses adversaires, ses alliés - Le nouvel esprit public