Les musiciens et le pouvoir en France Maryvonne de Saint Pulgent
Partant de l'extraordinaire carrière offificielle de Pierre Boulez et de ses relations privilégiées avec les chefs d'État français, l'auteur s'interroge sur l'exceptionnalité de ce cas dans l'histoire musicale occidentale, hormis le précédent de Jean-Baptiste Lully, surintendant de la musique de Louis XIV et créateur de l'opéra français. Il montre que le rapport de Lully et Boulez au pouvoir et ses conséquences sur notre paysage musical ne sont pas des singularités, mais le fruit d'une exception française, due à la préférence nationale pour le mécénat d'État et les régimes politiques à exécutif fort, ainsi qu'à l'importance de la musique dans notre société, dont témoignent tant notre littérature qu'une très riche iconographie dessinée, gravée, peinte ou sculptée. Née sous la monarchie absolue, cette exception qui concerne aussi Rameau, Berlioz, Fauré et le groupe des Six perdure sous la Révolution, sous les monarchies du XIXème siècle et au XXème siècle, avec des éclipses pendant les régimes parlementaires, le relais étant alors pris par d'autres lieux de pouvoir, académies et salons parisiens notamment. Cette parenthèse de quatre siècles paraît refermée aujourd'hui, la musique savante ayant cessé d'intéresser les dirigeants politiques alors que disparaissait Pierre Boulez, dont on célèbre le centenaire en 2025. Le livre raconte, en dix moments de notre histoire et vingt et un compositeurs, les péripéties de cette relation particulière entre un art très politique et un pouvoir se voulant apollonien.
Jean-Louis Bourlanges : À l’approche des fêtes, je recommande un beau livre, celui de Maryvonne de Saint-Pulgent, Les musiciens et le pouvoir en France, qui prouve qu’un livre peut être à la fois érudit et splendide. L’autrice, déjà connue pour son admirable histoire de Notre-Dame, y analyse avec une précision remarquable la relation entre la musique, le mécénat et l’État. Elle y met en lumière les différentes formes de patronage, du mécénat de Lully à celui de Boulez, et montre comment les régimes politiques influencent la création artistique. C’est une thèse fascinante : ce sont souvent les régimes autoritaires qui soutiennent le plus vigoureusement la musique. Mais quelle que soit le régime politique, il oriente la composition vers deux directions — une vocation élitiste, incarnée par Pierre Boulez et appuyée par plusieurs présidents successifs, et une vocation sociale, dans la lignée de Blum, Malraux ou Jack Lang, aujourd’hui dominante. Cette évolution, note-t-elle, a contribué à marginaliser la musique contemporaine. Ce lien entre le mode de mécénat et le contenu même de l’œuvre musicale est, à mes yeux, l’un des aspects les plus stimulants et originaux de ce livre remarquable.
Ce livre est recommandé par : Jean-Louis Bourlanges
Ce livre est mentionné dans :
Qu’attendent les Français des hommes politiques ? - Le nouvel esprit public
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